Saint Jérôme. Un genou en terre au milieu de sa grotte, le bras vigoureusement tendu et armé d'une pierre, le courageux anachorète écarte de la main gauche le manteau qui le couvre à demi, pour présenter sa poitrine nue aux coups dont il va la frapper. Sur ses traits enflammés par l'amour divin, perce néanmoins une profonde componction. On comprend tout le prix qu'il attache à la miséricorde de Dieu, et par quelles sortes de sacrifices il est prêt à la mériter. On voit vibrer chacun des muscles de son visage; on pénètre sa pensée dans le feu de son regard, et il semble que le peintre ait creusé cette tête pour y trouver la place des mille émotions qui remuent le cœur du solitaire. Le lion, couché à quelques pas de Jérôme, s'émeut lui-même à l'aspect d'un tel spectacle et, la gueule béante, dirige sur le saint ses regards effrayés. Eminemment peintre et possédé, au plus haut degré, de l'amour de son art, Léonard s'est montré, plus que tout autre, exigeant pour ses propres ouvrages. Sans cesse tendant à la perfection, rarement satisfait de lui-même, il a d- nécessairement laisser beaucoup de travaux inachevés; mais aussi les tableaux qu'il a finis l'ont-ils été avec des soins si extraordinaires, qu'on n'a pas de peint à les compter: la plupart d'entre eux ne sont jamais sortis des galeries des souverains pour lesquels il les exécuta. C'est donc une chose rare et précieuse à la fois que la rencontre d'un ouvrage de Léonard au milieu d'une vente publique, quand d'ailleurs il ne manque à cet ouvrage aucune garantie de son authenticité, et lorsque nous savons pertinemment que maintes galeries se targuent de l'honneur de posséder un Léonard, qui ne possèdent en réalité qu'un tableau de son école. Toutefois, nous ne chercherons point à le nier: ce n'est ici qu'une ébauche dans laquelle la tête seule est un peu plus avancée; mais n'est-ce donc rien qu'une ébauche de Léonard, de ce peintre qui sut, le premier, ass