Adoration des bergers. Deux pauvres bergers, dont les vêtemens délabrés sont en parfaite harmonie avec l'humilité de leur condition, se sont respectueusement avancés vers l'enfant Dieu couché nu sur un peu de paille déposée à terre et que recouvre un linge blanc. L'un d'eux, les mains jointes et la tête baissée, s'est jeté à deux genoux devant le fils du Très-Haut; l'autre, appuyé sur son bâton de voyage et son bonnet à la main, a fléchi les genoux: dans la componction qui se peint sur son front incliné, on reconnaît l'acte le plus complet d'adoration. En face des deux bergers, de l'autre côté de l'enfant, la Vierge et saint Joseph sont également prosternés, et demeurent, les mains jointes et les regards baissés, dans un pieux recueillement. Les deux saints époux sont placés à l'ouverture d'une étable taillée dans l'épaisseur d'un immense rocher, dont l'aride aspect est à peine adouci par les quelques bouquets de végétation qui en tapissent le front, autour duquel voltigent quatre chérubins. Au-delà de cette grotte, qui occupe la moitié de la composition, se déploie un riche paysage, baigné par une nappe d'eau, accidenté par des rochers et des montagnes boisées, embelli enfin par d'élégantes fabriques. Comme un artiste habile à qui la nature de son talent laisse le choix des moyens, le Giorgion est entré largement dans l'esprit de sa composition. Grand peintre d'histoire, il n'a cependant pas laissé de traiter le paysage, qui devenait ici une des parties importantes de son tableau, en grand paysagiste; et, dans l'un et dans l'autre genre, il a su demeurer dans la juste mesure des convenances. Aucun accessoire étranger ne venant distraire de l'action principale, tout y est vrai parce que tout y est simple, et cette belle simplicité brille encore de mille qualités pittoresques. Il n'est point d'éloge capable d'amener à l'idée qu'il faut se faire de ce br-lant et vigoureux coloris; il donne aux figures un tel relie